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Accoucher sans péridurale, et si on se posait les bonnes questions?

  • cfilluzeau
  • il y a 5 jours
  • 8 min de lecture
Femme qui accouche chez elle dans l'eau
Femme qui accouche chez elle dans l'eau

D'après une étude de l'inserm*en 2010, un quart des femmes enceintes souhaiteraient accoucher sans péridurale, mais la moitié d'entre elles auraient finalement recours à cette analgésie.

Beaucoup de facteurs entrent en jeu et expliquent ce revirement de situation pendant l'accouchement, et il est à déplorer que le manque de personnel médical pour accompagner les femmes durant le travail explique en partie cela.

"Accoucher sans péri" peut être un défi que certaines femmes enceintes se lancent, par envie de quelque chose de plus "respectueux" et "naturel", néanmoins, si ce désir est tout à fait légitime aujourd’hui, il peut parfois devenir le socle d’un courant dogmatique.

Cela peut induire beaucoup de pression sur les femmes enceintes, mais également de la culpabilisation et un sentiment d’échec, pour celles qui ne seront pas parvenues à atteindre cet idéal.


*


"Je voulais accoucher sans péridurale, mais je n'ai pas réussi"

Voici le genre de témoignages que j'entends régulièrement dans mes cercles "mamans bébés" lors des récits d'accouchement. Souvent dits sur le ton de la honte, ou de la gêne, face aux autres mamans qui, elles, ont pu parvenir à bout de leur projet. Est ce normal d'avoir honte, et d'utiliser ces termes, comme si la prise de la péridurale était un échec?


Et si on réfléchissait ensemble à ce qui se cachait derrière ce désir d'accoucher sans péridurale?



A la recherche d'un accouchement respecté


La femme est un mammifère comme les autres


Ces dernières années, on a pu voir sur la toile et redécouvrir cet homme incroyable qu'était Michel Odent, chirurgien obstétricien français, qui a travaillé toute sa vie à partager ses connaissances sur la physiologie de l'accouchement, à travers de nombreux livres, et conférences. Récemment, il a été l'invité de nombreux podcasts, et a été source d'inspiration pour de nombreuses femmes en quête "d'empouvoirement" durant leur grossesse.



Dans son livre "le bébé est un mammifère", il nous rappelle les besoins primitifs de tout mammifère, humain compris, qui accouche:

  • Besoin d'un environnement sécure: silence, calme, pénombre, chaleur.

  • Ne pas activer le néocortex

  • Besoin d'intimité et de sécurité: ne pas se sentir observé

  • Eviter la production d'adrénaline: éviter toute source de stress


Lorsque ces conditions sont réunies, la femme qui enfante peut librement sécréter sa propre ocytocine, hormone de l'amour, mais aussi hormone sécrétée lors de la naissance, malheureusement aujourd'hui souvent remplacée par des ocytociques de synthèse.


Rester souveraine et actrice de son accouchement


Ces dernières années, notamment depuis la vague "Me Too", la parole s'est libérée autour des violences obstétricales et gynécologiques (VOG).


La vague #MeToo a permis de libérer la parole sur les VOG
La vague #MeToo a permis de libérer la parole sur les VOG

Nombreuses sont les femmes qui sont soulagées de lire ces nombreux récits et de comprendre que ce qu'elles ont pu vivre n'était pas normal.

Des expériences d'accouchements traumatiques, un sentiment de passivité, d'infantilisation, certaines femmes se sont vues "voler" leur accouchement, et un sentiment de révolte a gagné le cœur de ces milliers de femmes.

Cette volonté d'un accouchement "sans péri" résulte alors de cette volonté de reprendre le contrôle là dessus, reprendre le pouvoir, renouer avec sa propre puissance, et ne plus se laisser désabuser par le corps médical.


Peur de la cascade d'interventions


Lorsque l'on commence à creuser et à se renseigner sur l'accouchement physiologique, qu'on lit Michel Odent, ou les nombreux témoignages de VOG, on en vient forcément à mettre le doigt sur une notion importante: celle de la cascade d'interventions, et la surmédicalisation des accouchements en structure.

Il s'agit du fait qu'une intervention, parfois anodine, va en entraîner une autre, pour pallier parfois aux effets secondaires de la première, qui va en entraîner une autre et ainsi de suite.

Chaque intervention tend à en motiver une autre, mais avec cela, on créé un processus où l'accouchement se retrouve mené par un ensemble de gestes médicaux qui s'enchaînent, alors qu'ils n'étaient pas voulus à la base.

En France, l'accouchement est vu sous le prisme des complications. La grande majorité de ce qu'apprennent les sages femmes et les gynécologues lors de leurs années d'études est la gestion des risques et des complications. Ainsi nous sommes dans une société influencée par cette vision du risque, qu'il faut à tout prix anticiper.

La médicalisation de l'accouchement a pu avoir du bon, et a permis de réduire la mortalité infantile et maternelle à une certaine époque, mais aujourd'hui, cette question de l'anticipation des risques et de la cascades d'interventions (ou effet toboggan) soulève la question de sa réelle nécessité?


Afin de pouvoir pallier à cela, il est important de se poser les bonnes questions, d'être informé au maximum sur la physiologie de l'accouchement d'une part mais aussi sur les effets positifs et négatifs du recours à un analgésique, afin de pouvoir faire des choix éclairés.



La péridurale, ennemie de la physiologie?


Pourquoi la femme demande-t-elle la péridurale?


La demande d'analgésie vient très souvent d'une peur. "Peur de ne pas y arriver", "peur de mourir", "peur de cette intensité qui me submerge" etc.

Et cette peur exprimée là par cette demande de péridurale cache en fait souvent un besoin plus subtil, besoin d'être rassurée, besoin d'être encouragée, besoin de réconfort, besoin qu'on m'aide à trouver une position plus confortable, besoin qu'on me dise que c'est normal.

Beaucoup de femmes demandent également la péridurale plus tôt durant le travail, parce qu'elles redoutent qu'après "ça soit trop tard". Pourquoi serait-ce trop tard? Finalement lorsqu'il est "trop tard" c'est plutôt une bonne nouvelle, c'est que bébé arrive! La femme a donc plutôt besoin d'un accompagnement humain dans ce moment là, quelqu'un pour lui rappeler qu'elle y est presque, que son bébé arrive, qu'elle est en train de le faire!


Là où la péridurale peut aider


Il est néanmoins important de préciser que dans le cas d'un accouchement non physiologique (un déclenchement par exemple), ou alors dans le cas où des résistances empêchent la bonne progression du processus (blocages inconscients, mémoires transgénérationnelles, résistances psychologiques), la péridurale est souhaitable et peut permettre à la femme de lâcher prise, de reprendre son souffle, et de lui donner LA clef pour plonger entièrement dans son processus de dilatation complète.


"J'avais vraiment envie d'un accouchement sans péridurale, pourtant, à un moment donné, j'ai perdu pied, et j'ai senti ce gouffre qui me séparait de mon partenaire. Il avait beau être à mes côtés, je me sentais seule et séparée de lui. La douleur m'amenait trop loin de lui, j'avais besoin de reconnecter avec lui. La péridurale m'a permis de revenir dans cet état de reconnexion à lui, et grâce à ça, j'ai pu donner naissance à notre fils en douceur"

On ne sait pas à l'avance comment on va réceptionner la douleur et comment on va glisser dans ce vortex qu'est l'enfantement. Certaines pourront y plonger toute entière, et d'autres, malgré un accompagnement et une préparation adéquate, vont y vivre des blocages. La péridurale peut alors leur permettre de reprendre leur souffle pour mieux plonger.

La diminution voire la suppression de la sensation douloureuse permet chez certaines d'optimiser leur détente et donc une accélération de l'ouverture de leur col.



Répercussions de la péridurale, ce que l'on ne nous dit pas toujours...


Dans son livre "J'accouche bientôt, que faire de la douleur", Maïtie Trelaün nous énumère les nombreuses conséquences à court et long terme de l'analgésie péridurale.

Rappelons que le but de la péridurale est d'avoir un effet sur le bloc sensitif mais qu'elle touche forcément avec le bloc moteur (donc l'activité musculaire)


Voici les répercussions que l'on peut retrouver au moment de l'accouchement:

  • Atteinte du bloc moteur = diminution des contractions => nécessité d'ajouter une perfusion d'ocytocine de synthèse pour y remédier

  • Anesthésie des muscles périphériques (psoas, abdominaux, muscles périnéaux) qui jouent un rôle dans l'accompagnement du bébé durant sa descente et son expulsion => le bébé n'a plus ces guides.

  • Réaction d'hypotension chez la mère induisant des bradycardies tardives chez le bébé (l'une des causes fréquentes de césarienne)

  • Perturbation du système de régulation thermique de la mère => Hausse de la température corporelle =>frissons => plus grande consommation d'oxygène qui se répercute également chez le bébé.

  • Analgésie incomplète (ne fait effet que d'un côté)


Maïtie Trelaün nous énumère également les effets secondaires parfois retrouvés à long terme:

  • Maux de tête (05 à 1% des analgésies*)

  • Douleurs résiduelles (fourmillements, insensibilités, douleurs dorsales) qui peuvent durer des mois voire des années après.

  • Action sur l'allaitement "Les femmes qui accouchent sous péridurale pourraient avoir plus de difficultés à allaiter que celles qui choisissent l'accouchement sans anesthésie [...] Les chercheurs ont expliqué que les substances contenues dans l'anesthésie pouvaient provoquer une réaction de somnolence chez le bébé, lui occasionnant des difficultés à téter au cours des tout premiers jours " **


*5e journées du CNSF, Paris (2007), Pr F.-J. Mercier, Actualité de l'analgésie péridurale pour le travail

**Bodner-Adler B., Bodner K, Kimberger O., Wagenbichler P., Kaider A., Husslein P., Mayerhofer K., The effect of epidural analgesia on obstetric lacerations and neonatal outcome during spontaneous vaginal delivery, Arch Gynecol Obstet. (2003) Jan; 267 (3): 130-3



Accoucher sans péridurale, est ce la bonne solution alors?


Repenser l'accompagnement de la femme enceinte


Pour donner les clefs au couple, ou à la femme qui se prépare à donner naissance, il faut un accompagnement adapté, individualisé, et humain!

Une bonne préparation en amont est nécessaire pour celle qui veut vivre ce moment unique comme tel!

Aller détricoter ses peurs, ses croyances limitantes, ou les mythes entourant la naissance, mieux comprendre le processus, connaître toutes les possibilités, avoir reçu suffisamment d'informations pour se sentir en capacité de faire ses propres choix, sans avoir été dirigé par quiconque.

Trouver la ou les bonnes personnes pour nous accompagner sur ce chemin demande une recherche active, aller se renseigner, rencontrer, essayer. De nombreux professionnels peuvent vous accompagner, mais à chacune son chemin!

C'est en cela que les doulas peuvent avoir toute leur place aux côtés des femmes et des couples qui veulent cheminer vers une naissance sereine même si ça ne fait pas tout!


Préparer son plan de naissance


Réfléchir au plus tôt à son projet de naissance va permettre de se questionner, seul ou en couple selon la situation, mais d'apporter de la réflexion et donc un état d'esprit de curiosité qui va amener à vous rendre acteur de ce projet de naissance.

Avant même de le rédiger, simplement prendre le temps d'en discuter autour de soi, avec d'autres mamans, avec sa sage femme, son ou sa partenaire, ouvre à des discussions qu'on n'imaginait pas forcément.

Là encore, les doulas peuvent vous proposer de vous accompagner dans sa rédaction si ça vous semble compliqué, et une bonne doula saura vous expliquer les tenants et les aboutissants de chaque possibilité, sans tenter d'influencer vos choix.


Se préparer à tous les possibles


Il faut néanmoins garder en tête que même en ayant mis tous les atouts de son côté, et en ayant fait tout cela, rien ne garantit que l'accouchement reste 100% physiologique.

Se préparer AUSSI à accoucher autrement, avec une péridurale si besoin, ou par césarienne si ça doit avoir lieu, permettra au cerveau d'envisager cette idée, et de mieux le vivre si ça doit arriver.

Ne pas se fixer uniquement comme objectif le fameux "sans péri ou rien", sinon le risque est là de ressentir cette déception à l'arrivée si finalement on a "craqué" pour la péridurale.

Non, on a pas "craqué", on a eu "besoin" de la péridurale, et cela nous a permis de progresser dans notre processus plus sereinement.



En bref


Le plus important est d'être "armé" pour comprendre ce qui se passe et faire nos choix en conscience le jour J, c'est ça qui rend fier et qui nous redonne ce sentiment de puissance et de pouvoir, pas tant le "péri ou pas péri".



 
 
 

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